Edito du Curé – dimanche 24 novembre 2024

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« Ma royauté n’est pas de ce monde… »

Drôle de texte que la liturgie nous propose en cette la solennité du Christ, Roi de l’univers ! « Mon père, me demandait un enfant de catéchisme dépité, n’a-t-on pas trouvé un autre texte dans la Bible pour cette fête du Christ-Roi que celui où Jésus est en procès devant Pilate ? » Sa question parait candide et pourtant elle pousse à réfléchir sur le sens de la royauté véritable du Christ. A vrai dire, on trouve très peu d’affirmations claires et assumées de la royauté de Christ dans les Evangiles. A chaque fois que l’occasion se présente, Jésus esquive la question en abordant un autre sujet ou tout simplement il se dérobe (Jn 6, 15). A la Transfiguration, par exemple, où son visage glorieux est apparu aux Apôtres et où la splendeur de sa gloire a illuminé ses compagnons, Jésus ne bandit pas sa notoriété et sa gloire, mais demande plutôt expressément à ses apôtres de ne rien dire à personne, « jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts » (Mt 17, 9). Ce silence qu’il impose ne dissimule pas la gloire qu’il porte en lui, mais laisse le voile de son rayonnement se lever de lui-même au moment précis où son investiture suprême au sommet de la croix l’exprime mieux et de manière étonnante !

En nous proposant le récit d’un futur condamné sans défense et abandonné de tous, la liturgie voudrait nous faire méditer sur nos conceptions du pouvoir et de la royauté. Rappelons-nous les paroles du prophète Zacharie adressées au peuple juif, six siècles avant la naissance de Jésus, donc bien avant le déplacement des Mages et des propos de Pilate : « Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (Zach 9,9). La douceur et la petitesse caractérisent ce roi qui vient. Ce roi n’est pas à l’image des grands de ce monde qui font peser leur pouvoir sur leurs sujets, mais un roi serviteur, « doux et humble de cœur ».

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2-2).  Voilà encore l’énigme de St Matthieu qui met les Mages en route depuis l’Orient vers Bethléem, en Judée, avec des offrandes dignes d’un roi. A ce moment, Jésus n’est qu’un nourrisson. Dans l’entretien des Mages avec le Roi Hérode, ce nourrisson arbore déjà le titre de roi : « nous sommes venus l’adorer », confessent les Sages d’Orient ! L’annonce d’un roi qui vient de naitre n’interroge pas seulement Hérode qui voit en lui un potentiel rival, mais aussi nos conceptions traditionnelles du pouvoir royal. Le contraste est saisissant avec ce roi d’un genre nouveau : il nait dans une mangeoire là où les princes de ce monde ont pour berceau des palais. Sa fragilité n’épouse pas la puissance des rois connus. Comme roi, ce nourrisson se donne et se livre au lieu d’extorquer !

« Es-tu le Roi des Juifs ? » la question n’est pas une simple interrogation, une investigation d’un juge qui cherche à en avoir le cœur net…, la question va au-delà. Elle fait un pont entre le nourrisson-roi redouté par Hérode chez Saint Mathieu et le roi-crucifié que Saint Jean proclame dans ce passage. L’interrogatoire qui tourne autour du titre du roi met en relief deux conceptions du pouvoir et de la royauté, celle de la domination et celle du service, la royauté qui commande en maitre et celle qui se donne et se livre, le pouvoir de la condescendance et de l’humble pouvoir de service… Pilate poussera son cynisme autoritaire jusqu’à prononcer la condamnation de Jésus à la peine capitale par pendaison, supplice réservé aux meurtriers. Un roi qui se laisse tuer sans se défendre, c’est exceptionnel, si ce n’est un message ! D’ailleurs l’écriteau qui signe le motif de cette condamnation en est un : « Celui-ci est le roi des Juifs » (Luc 23, 38). Ce qui paraissait comme un acte de condamnation est devenu une affirmation claire de la royauté de Jésus. Comprenant la profondeur de cette phrase et de son raisonnement dans la pensée séculaire de ceux qui, parmi les Juifs, attendaient le Messie, le Sauveur de tout le peuple, les chefs religieux ont bien voulu faire changer l’inscription « Jésus, roi des Juifs » en « cet homme a dit : je suis le roi des Juifs ». Ce que Ponce Pilate réfuta catégoriquement dans une phrase laconique restée célèbre : « Quod scripsi, scripsi » – ce que j’ai écrit, je l’ai écrit – (Jn 19, 22). Des Mages aux bergers, de Hérode à Ponce Pilate, la royauté du Jésus est affirmée, peut-être sans avoir conscience, par les gens qui étaient loin de son entourage. Cet apport venu de loin, manifeste l’universalité de la royauté du Christ. Il n’est pas seulement le Roi du peuple juif, mais de tous les peuples de la terre et même de tous les êtres visibles et invisibles.

L’interrogatoire de Pilate rapporté par St Jean est donc une haute proclamation de la royauté du Christ. Du haut de sa Croix, un écriteau le désigne comme le roi des Juifs.  Mais un roi crucifié, cela suscitait la raillerie des passants, les injures des soldats qui allaient l’éliminer. C’est pourtant sur cette Croix que résonnent ces paroles prononcées par Jésus devant Pilate : « ma royauté n’est pas de monde ». Il tient sa royauté de son Père et ne ressemble en rien à une royauté de notre monde, où la violence gratuite envahit nos sociétés et pollue la jeune génération. Ici on tue pour un mégot de cigarette, là on exploite les plus démunis quand on ne les ignore pas purement et simplement. Sur la Croix, Jésus s’identifie à un roi-serviteur qui se livre et s’entoure non pas de soldats armés de fusils mais de disciples armés de la parole de Dieu qui annonce à toutes les hommes et toutes les créatures : « un règne de vie et de vérité, un règne de grâce de sainteté, un règne de justice et de fraternité, un règne de paix et d’amour » (Préface du Christ-Roi).

La fête du Christ-Roi est le rappel de notre appartenance à la citoyenneté de ce royaume que Jésus a inauguré pour nous sur la Croix. Par le baptême tous les chrétiens participent la triple mission du Christ prophète, prêtre et roi. Sa royauté, il ne l’a pas exercée par la force, ni par la recherche d’un pouvoir absolu, pas non plus par la richesse et les honneurs, mais en étant serviteur de tous, en prenant soin des plus pauvres et des plus faibles, en exerçant la justice avec miséricorde. Son pouvoir de serviteur, – dit le Concile Vatican II – « il l’a communiqué à ses disciples pour qu’ils soient eux aussi établis dans la liberté royale…, bien mieux, pour que, servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l’humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu’au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois. » (LG 36).

Que ton règne arrive ! Dieu éternel et toutpuissant, par ton Esprit de Sagesse et de force, fais de nous de vrais disciples qui témoignent et annoncent la venue de ton règne. Que notre visage rayonne de la gloire du Christ, roi humble et serviteur.

 

Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé

Publié le 21 septembre 2024

Edito du Curé – dimanche 24 novembre 2024

« Ma royauté n’est pas de ce monde… »

Drôle de texte que la liturgie nous propose en cette la solennité du Christ, Roi de l’univers ! « Mon père, me demandait un enfant de catéchisme dépité, n’a-t-on pas trouvé un autre texte dans la Bible pour cette fête du Christ-Roi que celui où Jésus est en procès devant Pilate ? » Sa question parait candide et pourtant elle pousse à réfléchir sur le sens de la royauté véritable du Christ. A vrai dire, on trouve très peu d’affirmations claires et assumées de la royauté de Christ dans les Evangiles. A chaque fois que l’occasion se présente, Jésus esquive la question en abordant un autre sujet ou tout simplement il se dérobe (Jn 6, 15). A la Transfiguration, par exemple, où son visage glorieux est apparu aux Apôtres et où la splendeur de sa gloire a illuminé ses compagnons, Jésus ne bandit pas sa notoriété et sa gloire, mais demande plutôt expressément à ses apôtres de ne rien dire à personne, « jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts » (Mt 17, 9). Ce silence qu’il impose ne dissimule pas la gloire qu’il porte en lui, mais laisse le voile de son rayonnement se lever de lui-même au moment précis où son investiture suprême au sommet de la croix l’exprime mieux et de manière étonnante !

En nous proposant le récit d’un futur condamné sans défense et abandonné de tous, la liturgie voudrait nous faire méditer sur nos conceptions du pouvoir et de la royauté. Rappelons-nous les paroles du prophète Zacharie adressées au peuple juif, six siècles avant la naissance de Jésus, donc bien avant le déplacement des Mages et des propos de Pilate : « Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (Zach 9,9). La douceur et la petitesse caractérisent ce roi qui vient. Ce roi n’est pas à l’image des grands de ce monde qui font peser leur pouvoir sur leurs sujets, mais un roi serviteur, « doux et humble de cœur ».

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2-2).  Voilà encore l’énigme de St Matthieu qui met les Mages en route depuis l’Orient vers Bethléem, en Judée, avec des offrandes dignes d’un roi. A ce moment, Jésus n’est qu’un nourrisson. Dans l’entretien des Mages avec le Roi Hérode, ce nourrisson arbore déjà le titre de roi : « nous sommes venus l’adorer », confessent les Sages d’Orient ! L’annonce d’un roi qui vient de naitre n’interroge pas seulement Hérode qui voit en lui un potentiel rival, mais aussi nos conceptions traditionnelles du pouvoir royal. Le contraste est saisissant avec ce roi d’un genre nouveau : il nait dans une mangeoire là où les princes de ce monde ont pour berceau des palais. Sa fragilité n’épouse pas la puissance des rois connus. Comme roi, ce nourrisson se donne et se livre au lieu d’extorquer !

« Es-tu le Roi des Juifs ? » la question n’est pas une simple interrogation, une investigation d’un juge qui cherche à en avoir le cœur net…, la question va au-delà. Elle fait un pont entre le nourrisson-roi redouté par Hérode chez Saint Mathieu et le roi-crucifié que Saint Jean proclame dans ce passage. L’interrogatoire qui tourne autour du titre du roi met en relief deux conceptions du pouvoir et de la royauté, celle de la domination et celle du service, la royauté qui commande en maitre et celle qui se donne et se livre, le pouvoir de la condescendance et de l’humble pouvoir de service… Pilate poussera son cynisme autoritaire jusqu’à prononcer la condamnation de Jésus à la peine capitale par pendaison, supplice réservé aux meurtriers. Un roi qui se laisse tuer sans se défendre, c’est exceptionnel, si ce n’est un message ! D’ailleurs l’écriteau qui signe le motif de cette condamnation en est un : « Celui-ci est le roi des Juifs » (Luc 23, 38). Ce qui paraissait comme un acte de condamnation est devenu une affirmation claire de la royauté de Jésus. Comprenant la profondeur de cette phrase et de son raisonnement dans la pensée séculaire de ceux qui, parmi les Juifs, attendaient le Messie, le Sauveur de tout le peuple, les chefs religieux ont bien voulu faire changer l’inscription « Jésus, roi des Juifs » en « cet homme a dit : je suis le roi des Juifs ». Ce que Ponce Pilate réfuta catégoriquement dans une phrase laconique restée célèbre : « Quod scripsi, scripsi » – ce que j’ai écrit, je l’ai écrit – (Jn 19, 22). Des Mages aux bergers, de Hérode à Ponce Pilate, la royauté du Jésus est affirmée, peut-être sans avoir conscience, par les gens qui étaient loin de son entourage. Cet apport venu de loin, manifeste l’universalité de la royauté du Christ. Il n’est pas seulement le Roi du peuple juif, mais de tous les peuples de la terre et même de tous les êtres visibles et invisibles.

L’interrogatoire de Pilate rapporté par St Jean est donc une haute proclamation de la royauté du Christ. Du haut de sa Croix, un écriteau le désigne comme le roi des Juifs.  Mais un roi crucifié, cela suscitait la raillerie des passants, les injures des soldats qui allaient l’éliminer. C’est pourtant sur cette Croix que résonnent ces paroles prononcées par Jésus devant Pilate : « ma royauté n’est pas de monde ». Il tient sa royauté de son Père et ne ressemble en rien à une royauté de notre monde, où la violence gratuite envahit nos sociétés et pollue la jeune génération. Ici on tue pour un mégot de cigarette, là on exploite les plus démunis quand on ne les ignore pas purement et simplement. Sur la Croix, Jésus s’identifie à un roi-serviteur qui se livre et s’entoure non pas de soldats armés de fusils mais de disciples armés de la parole de Dieu qui annonce à toutes les hommes et toutes les créatures : « un règne de vie et de vérité, un règne de grâce de sainteté, un règne de justice et de fraternité, un règne de paix et d’amour » (Préface du Christ-Roi).

La fête du Christ-Roi est le rappel de notre appartenance à la citoyenneté de ce royaume que Jésus a inauguré pour nous sur la Croix. Par le baptême tous les chrétiens participent la triple mission du Christ prophète, prêtre et roi. Sa royauté, il ne l’a pas exercée par la force, ni par la recherche d’un pouvoir absolu, pas non plus par la richesse et les honneurs, mais en étant serviteur de tous, en prenant soin des plus pauvres et des plus faibles, en exerçant la justice avec miséricorde. Son pouvoir de serviteur, – dit le Concile Vatican II – « il l’a communiqué à ses disciples pour qu’ils soient eux aussi établis dans la liberté royale…, bien mieux, pour que, servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l’humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu’au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois. » (LG 36).

Que ton règne arrive ! Dieu éternel et toutpuissant, par ton Esprit de Sagesse et de force, fais de nous de vrais disciples qui témoignent et annoncent la venue de ton règne. Que notre visage rayonne de la gloire du Christ, roi humble et serviteur.

 

Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé

Publié le 21 septembre 2024

Edito du Curé – dimanche 24 novembre 2024

design sans titre (34)

« Ma royauté n’est pas de ce monde… »

Drôle de texte que la liturgie nous propose en cette la solennité du Christ, Roi de l’univers ! « Mon père, me demandait un enfant de catéchisme dépité, n’a-t-on pas trouvé un autre texte dans la Bible pour cette fête du Christ-Roi que celui où Jésus est en procès devant Pilate ? » Sa question parait candide et pourtant elle pousse à réfléchir sur le sens de la royauté véritable du Christ. A vrai dire, on trouve très peu d’affirmations claires et assumées de la royauté de Christ dans les Evangiles. A chaque fois que l’occasion se présente, Jésus esquive la question en abordant un autre sujet ou tout simplement il se dérobe (Jn 6, 15). A la Transfiguration, par exemple, où son visage glorieux est apparu aux Apôtres et où la splendeur de sa gloire a illuminé ses compagnons, Jésus ne bandit pas sa notoriété et sa gloire, mais demande plutôt expressément à ses apôtres de ne rien dire à personne, « jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts » (Mt 17, 9). Ce silence qu’il impose ne dissimule pas la gloire qu’il porte en lui, mais laisse le voile de son rayonnement se lever de lui-même au moment précis où son investiture suprême au sommet de la croix l’exprime mieux et de manière étonnante !

En nous proposant le récit d’un futur condamné sans défense et abandonné de tous, la liturgie voudrait nous faire méditer sur nos conceptions du pouvoir et de la royauté. Rappelons-nous les paroles du prophète Zacharie adressées au peuple juif, six siècles avant la naissance de Jésus, donc bien avant le déplacement des Mages et des propos de Pilate : « Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (Zach 9,9). La douceur et la petitesse caractérisent ce roi qui vient. Ce roi n’est pas à l’image des grands de ce monde qui font peser leur pouvoir sur leurs sujets, mais un roi serviteur, « doux et humble de cœur ».

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2-2).  Voilà encore l’énigme de St Matthieu qui met les Mages en route depuis l’Orient vers Bethléem, en Judée, avec des offrandes dignes d’un roi. A ce moment, Jésus n’est qu’un nourrisson. Dans l’entretien des Mages avec le Roi Hérode, ce nourrisson arbore déjà le titre de roi : « nous sommes venus l’adorer », confessent les Sages d’Orient ! L’annonce d’un roi qui vient de naitre n’interroge pas seulement Hérode qui voit en lui un potentiel rival, mais aussi nos conceptions traditionnelles du pouvoir royal. Le contraste est saisissant avec ce roi d’un genre nouveau : il nait dans une mangeoire là où les princes de ce monde ont pour berceau des palais. Sa fragilité n’épouse pas la puissance des rois connus. Comme roi, ce nourrisson se donne et se livre au lieu d’extorquer !

« Es-tu le Roi des Juifs ? » la question n’est pas une simple interrogation, une investigation d’un juge qui cherche à en avoir le cœur net…, la question va au-delà. Elle fait un pont entre le nourrisson-roi redouté par Hérode chez Saint Mathieu et le roi-crucifié que Saint Jean proclame dans ce passage. L’interrogatoire qui tourne autour du titre du roi met en relief deux conceptions du pouvoir et de la royauté, celle de la domination et celle du service, la royauté qui commande en maitre et celle qui se donne et se livre, le pouvoir de la condescendance et de l’humble pouvoir de service… Pilate poussera son cynisme autoritaire jusqu’à prononcer la condamnation de Jésus à la peine capitale par pendaison, supplice réservé aux meurtriers. Un roi qui se laisse tuer sans se défendre, c’est exceptionnel, si ce n’est un message ! D’ailleurs l’écriteau qui signe le motif de cette condamnation en est un : « Celui-ci est le roi des Juifs » (Luc 23, 38). Ce qui paraissait comme un acte de condamnation est devenu une affirmation claire de la royauté de Jésus. Comprenant la profondeur de cette phrase et de son raisonnement dans la pensée séculaire de ceux qui, parmi les Juifs, attendaient le Messie, le Sauveur de tout le peuple, les chefs religieux ont bien voulu faire changer l’inscription « Jésus, roi des Juifs » en « cet homme a dit : je suis le roi des Juifs ». Ce que Ponce Pilate réfuta catégoriquement dans une phrase laconique restée célèbre : « Quod scripsi, scripsi » – ce que j’ai écrit, je l’ai écrit – (Jn 19, 22). Des Mages aux bergers, de Hérode à Ponce Pilate, la royauté du Jésus est affirmée, peut-être sans avoir conscience, par les gens qui étaient loin de son entourage. Cet apport venu de loin, manifeste l’universalité de la royauté du Christ. Il n’est pas seulement le Roi du peuple juif, mais de tous les peuples de la terre et même de tous les êtres visibles et invisibles.

L’interrogatoire de Pilate rapporté par St Jean est donc une haute proclamation de la royauté du Christ. Du haut de sa Croix, un écriteau le désigne comme le roi des Juifs.  Mais un roi crucifié, cela suscitait la raillerie des passants, les injures des soldats qui allaient l’éliminer. C’est pourtant sur cette Croix que résonnent ces paroles prononcées par Jésus devant Pilate : « ma royauté n’est pas de monde ». Il tient sa royauté de son Père et ne ressemble en rien à une royauté de notre monde, où la violence gratuite envahit nos sociétés et pollue la jeune génération. Ici on tue pour un mégot de cigarette, là on exploite les plus démunis quand on ne les ignore pas purement et simplement. Sur la Croix, Jésus s’identifie à un roi-serviteur qui se livre et s’entoure non pas de soldats armés de fusils mais de disciples armés de la parole de Dieu qui annonce à toutes les hommes et toutes les créatures : « un règne de vie et de vérité, un règne de grâce de sainteté, un règne de justice et de fraternité, un règne de paix et d’amour » (Préface du Christ-Roi).

La fête du Christ-Roi est le rappel de notre appartenance à la citoyenneté de ce royaume que Jésus a inauguré pour nous sur la Croix. Par le baptême tous les chrétiens participent la triple mission du Christ prophète, prêtre et roi. Sa royauté, il ne l’a pas exercée par la force, ni par la recherche d’un pouvoir absolu, pas non plus par la richesse et les honneurs, mais en étant serviteur de tous, en prenant soin des plus pauvres et des plus faibles, en exerçant la justice avec miséricorde. Son pouvoir de serviteur, – dit le Concile Vatican II – « il l’a communiqué à ses disciples pour qu’ils soient eux aussi établis dans la liberté royale…, bien mieux, pour que, servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l’humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu’au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois. » (LG 36).

Que ton règne arrive ! Dieu éternel et toutpuissant, par ton Esprit de Sagesse et de force, fais de nous de vrais disciples qui témoignent et annoncent la venue de ton règne. Que notre visage rayonne de la gloire du Christ, roi humble et serviteur.

 

Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé

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Publié le 21 septembre 2024